Le Havre, 17 décembre 2013
Lettre à un ami ->Lettre aux Tirailleurs sénégalais ->Lettre à l'armée coloniale
À vous mes amis, va ma reconnaissance. 1958, quand j'étais petite fille, toute à notre promenade familiale, je vis passer, sur le trottoir d'en face, un homme noir dans ses habits étranges. Il ressemblait à ces illustrations d'un journal que lisait mon père.
Quelques hommes le croisent et lui parlent durement, l'un d'entre eux crache à terre, là où ses pas ont foulé le sol.
Je m'étais arrêtée, ma main si petite dans celle de mon père. Je regardais sans comprendre ce qui avait créé cette méchanceté.
« Ma petite, tu viens de voir des imbéciles qui croient qu'ils sont meilleurs que d'autres. L'imbécilité est source de peur et de beaucoup d'effroi. Cet inconnu ressemble aux Tirailleurs sénégalais que j'ai entrevus sur le Front et dont nous parlions très souvent. Ils étaient surnommés La Force Noire. Si leur couleur est noire, leur sang est rouge et les champs de bataille en étaient couverts. »
« Ils étaient aussi nommés les "Bigors", ils ne lâchent rien, comme nos bigorneaux sur les rochers de la plage. L'ennemi en avait peur. Ils sont courageux, ils ont eu nombre de victoires, ils allaient généralement au casse-pipe, les mauvaises missions étaient souvent pour eux. La force noire, nous les admirions. Ils ont été dûment décorés : les hommes, mais aussi les régiments, les bataillons. L'infanterie de la 8e DIC n'a jamais été battue. Et c'était pareil en 14-18. Tu sais : valait mieux les avoir avec nous que contre nous. »
Mon père n'était pas ce "héros au sourire si doux". Son regard était hanté par les fantômes d'une vie de tranchées puis de prisonnier.
Vous, le Corps des Tirailleurs sénégalais, qui avez été créé par Napoléon III, avez été volontaires, recrutés et enrolés, parfois de force, lors des conflits. Mais vous avez combattu vaillamment pour la Mère-Patrie, qui pour vous n'était pas un vain mot. Si ordre était donné de ne rien lâcher, même si vous étiez submergés, rien ne lâchait jusqu'à la mort : des "Bigors", des Lions de combat.
Pour 14-18 et 39-45, nous vous devons une juste reconnaissance. Vous avez participé grandement à une France libre.
2014. 100 ans. Je me souviens de vous. La France se souvient de votre bravoure. J'espère pouvoir assister à votre pièce créée par la Compagnie LA POURSUITE en 2014 à l'occasion du Centenaire. Pièce issue des liens tissés par Lucie Cousturier qui, en 1920, a témoigné de votre quotidien dans son ouvrage "DES INCONNUS CHEZ MOI, DES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS CHEZ LUCIE COUSTURIER". Votre œuvre est avant tout destinée aux scolaires de Lyon, mais j'espère que son retentissement sera plus grand et que nous la verrons au Havre. Le Ministère de la Culture, conscient que vous êtes des "oubliés", a donné à cette adaptation théâtrale, le label de la Mission du Centenaire de la Première Guerre Mondiale.
À vous les patriotes À vous les héros Salut aux Tirailleurs Salut aux forces coloniales
2013-Une Française 2013-une pensée pour tous vos sacrifices Respect,
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