EPISODE DU ROI NALA
C’est sous la bénédiction des dieux que la belle princesse Damayanti et le brave roi Nala se marient. Le bonheur de Nala et la prospérité de son royaume semblent durer éternellement. C’est alors que le démon Kali rongé de jalousie lui jette son maléfice. Le sortilège pousse Nala à se perdre dans les yeux de hazard, y misant jusqu’à son royaume que son frère Pushkar dépouille. Nala complétement dépouillé erre dans la forêt avec sa femme qu’il finit par abandonner. Séparés l’un de l’autre, ils se changent en serviteurs. Sous cette apparence, ils vont renaitre de ce cycle de tourments. C’est sous ces mauvais hospices que prend forme la pièce théâtre qui met en scène les différentes étapes de la renaissance de Nala et Damayanti.
Pour accompagner ces deux personnages, un seul protagoniste narre les événements et prend la voix des vingt-huit acteurs et actrices qui eux-mêmes endossent les masques de papier, les kimonos, les rôles de percussionnistes de Taïko, les animateurs de marionnettes de Bunraku qui complètent cette pièce de théâtre où le blanc des costumes contrastent avec la noirceur des desseins animant chaque personnage.
Le fonctionnement de la pièce réside sur deux scènes, l’une à la forme carrée, isolée de la première rectangulaire où se passe l’action dissociée de l’autre ; qui permet une sorte d’aparté. Une troisième est juchée en arrière pour l’apparition des marionnettes. Les personnages apparaissent et disparaissent à l’envie, les sorcières se matérialisent pour commenter les différents aspects de l’Episode de Nala, telles les Parques romaines du destin raillant Nala sur son infortune et sa faiblesse d’avoir abandonné sa femme Damayanti. Autre Personnage, Pushkar, le frére de Nala apparait sous différents masques très expressifs pour mettre des bâtons dans les roues de Nala qui cherche avec l’aide de ses amis paysans à retrouver Damayanti et à recouvrer sa fortune.
La pièce procède d’un déroulement narratif marqué par de longues ellipses qui assurent le lien entre l’expression corporelle et le verbe emphatique. Cela rythme ce voyage initiatique qui est une confrontation mystique entre l’Inde et le Japon : La première fondatrice de la théologie hindoue et le second s’inspirant de cette religion importée pour créer le bouddhisme zen et zazen.
Le résultat est une mise en scène esthétisante, racée et très pure, véritable régal pour les yeux, impressionnante de maitrise propre à l’efficience japonaise. La pièce bascule par moment dans l’incongruité par une incursion dans le présent où certains comédiens arborent des slogans publicitaires et harangue le spectateur en ridiculisant les différents personnages afin, certainement, de dédramatiser l’expérience théâtrale par une mise en abyme salutaire et déroutante d’un théâtre dans le théâtre.
Cette pièce est présentée comme un kabuki mais s’en distingue par la palette des disciplines convoquées, qui fera grincer des dents les puristes de la mise en scène hiératique, lancinante et incantatrice, qui s’exprime dans le fonctionnement d’un NÔ et kabuki traditionnel.
La Compagnie Shizuoka Performing Arts Center a réussi ici un spectacle grandiose à la scénographie impeccable tout cela en seulement 1 heure 45 minutes, durée inhabituellement courte pour un kabuki, on en redemande.
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