Le doute n’a cessé de vivre en moi sur l'équilibre mental de ma mère, je me souviens d'enregistrer sur mon magnétophone
— maman est une sorcière, maman est une sorcière…
Jusqu'à la fin de la bande son. Il y aurait beaucoup de "même si" à ajouter comme épitaphes. Pourtant travailler chaque jour, nourrir une famille, est-ce une attitude normale, si destructurée ? Un amer mélange de rancœur mis en abîme par des réponses que je n'aurai plus. C'est sans doute de la lâcheté que de se positionner comme victime. Mais à celui qui fait tant d'efforts où l'élan est bloqué par la voracité des "autres", à celui qui est tanné par différence, combien d'euros sont pris sans émérites, combien d’offres de moqueries par vases communicants. Oui F. est empli de désirs morbides où le noir brille d'horreurs. Si je pouvais peindre le monde en noir. Pas d'images, pas de mots mais le sentiment d'avoir été entouré d'autres congénères, des frères et d’autres enfants occupés sur des gestes sans souvenirs. Il me reste la notion de la couleur de l'herbe, cette sensation de plonger mes mains dans une substance molle et drue. Quel autre terme aurait-elle employé, pour elle il n'y avait que deux cases, la bonne, celle qui correspondait à son commandement divin sans doute guidé par une foi catho-rigide, et l'autre plus vague mais libre. Une longue lignée de dominos-soldats de plomb. A cet âge je pleurais et tentais d'encaisser comme je pouvais, j'aurais dû fuir, en parler à des personnes bien-intentionné. Syndrôme de Stockholm peut être. Parce qu’elle est morte. Plus de tentative de communication possible. Plus de bonheur à donner, ni d'attention, une date, une fin.
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